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14 décembre 2009

Luc Chatel, l'artisan des réformes qui s'annulent

Par Maryline Baumard

   

LE MONDE | 09.12.09 | 13h13  • 

'est au nom de la "cohérence", qu'une belle brochette d'historiens et de politiques pétitionnent pour que l'histoire-géographie reste une discipline obligatoire en terminale scientifique. Aux yeux de ce large éventail d'intellectuels de tous bords, la culture historique ne peut devenir facultative dans cette pépinière de "décideurs" qu'est la dernière année du baccalauréat S, alors même qu'elle est plus que jamais nécessaire pour décrypter le monde.

Sans doute faudrait-il considérer globalement la scolarité d'un lycéen scientifique ; prendre en compte le fait qu'en première S il augmente avec la même réforme son exposition à cette discipline à raison d'un heure trente hebdomadaire et qu'il pourra en terminale bénéficier d'une option facultative. Qu'à cela ne tienne, c'est la contradiction de fond entre ce "besoin" en culture historique et les petits arrangements ministériels qui est perçue comme inacceptable.

En matière de contradiction, le ministre de l'éducation, Luc Chatel, n'a peur de rien. Il vient de réaliser le tour de force de redessiner le lycée et la formation des maîtres en traitant le premier dossier en véritable pédagogue et le second en défenseur des disciplines. D'aucuns diraient en "républicain". Le tout au risque que sa formation des enseignants annule tout bonnement sa réforme du lycée.

En conservant une armature de lycée classique, M. Chatel instille une dose de pédagogie dans ce temple des disciplines. Les grilles horaires présentées par le ministre, le 19 novembre, inscrivent, pour la première fois, à l'emploi du temps des élèves deux heures hebdomadaires d'aide personnalisée. Une obligation qui perdure tout au long du parcours du lycéen, en seconde, en première et en terminale, et explique que les disciplines se sentent attaquées.

M. Chatel va même plus loin et ne considère plus ces heures comme des "petits plus" que les enseignants assureraient en heures supplémentaires. Il les intègre au service des enseignants, franchissant là un virage dans la conception même du métier de professeur de lycée. Les artisans de cette réforme ont regardé le lycéen tel que les évaluations internationales le présentent, oubliant l'archétype du lycéen qui "rêve d'une prépa en relisant ses philosophes à l'intercours".

S'y ajoute la marge de manoeuvre laissée aux équipes pédagogiques pour gérer, "selon leur projet", les heures d'aide, mais aussi les dédoublements de cours. Et ce afin, là encore, qu'ils s'adaptent au besoin de leur public.

Pour se saisir de toutes les marges offertes par ce nouveau lycée, il faudrait des enseignants rompus à la pédagogie. M. Chatel fait le pari contraire.

La réforme de la formation des enseignants, qui suscite, elle aussi, un tollé et sera la raison de la mobilisation du 15 décembre, fait la part belle à l'académisme : "Les épreuves d'admissibilité devront consacrer l'élévation du niveau scientifique voulue par la réforme et sélectionner les étudiants ayant le meilleur niveau scientifique dans la ou les disciplines concernées, car appuyées sur des masters. Elles ne comporteront pas d'évaluations à caractère didactique ou pédagogique, non pertinentes à ce stade." Du disciplinaire, rien que du disciplinaire, donc. On n'est plus, côté ministère, sur l'idée que ce métier s'apprend, que les sciences de l'éducation peuvent aider les néo-enseignants face à des classes de plus en plus hétérogènes.

La philosophie du projet, c'est que meilleur est le "prof" dans sa discipline, plus pertinent il sera devant les élèves. Cette approche qui a présidé à la suppression de l'année de formation des stagiaires, à l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) à l'université, trouve dans la nature des épreuves du concours un autre terrain de matérialisation. Et ailleurs... puisqu'il sera tout à fait concevable qu'un étudiant décroche son concours d'enseignement sans avoir mis les pieds dans une classe. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que "les stages suivis par les étudiants ne peuvent pas être une condition pour se présenter à une épreuve au concours et ne peuvent lui servir de support". En master 1, on pourra les zapper et, en master 2, ils n'auront pas vraiment de temps pour eux.

De l'avis général, il sera matériellement impossible aux étudiants - aussi brillants soient-ils - de faire preuve d'ubiquité. Entre février et fin avril de leur année de master 2, ils devront assurer la préparation de leurs épreuves orales du concours et avancer leur travail de recherche nécessaire à la validation de leur master. Le stage dans une classe du secondaire devient dès lors la cerise sur le gâteau. Ces as dans leur discipline seront-ils ensuite aptes à appliquer la réforme Sarkozy, qui instaure de l'accompagnement personnalisé aux élèves à tous les étages du système éducatif ?

A l'heure où l'on renouvelle le corps enseignant, on engage le système éducatif pour plusieurs décennies. Ce hiatus entre les réformes du système éducatif - celle du lycée au premier chef - et celle de la formation des maîtres, risque fort d'en ajouter encore au malaise de cette profession. Alors que la réforme visait initialement à faciliter les débuts de carrière en payant mieux des jeunes mieux formés.

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