Réaction de André OUZOULIAS, professeur-formateur à l’IUFM de Versailles
Il est clair que le gouvernement manœuvre en recul, mais les inquiétudes de Marie-Albane sont fondées : Xavier Darcos nous laisse des bombes à retardement.
Nous demandions le maintien des concours dans leur forme actuelle en 2010. Nous l'avons obtenu. Nous demandions l'inscription des étudiants licenciés aux formations actuelles PE1, PLC1, etc. Nous venons de l'obtenir.
Nous demandions l'ouverture immédiate des inscriptions dans les IUFM. Nous venons d'obtenir un feu vert officiel.
Il
est donc exact que le gouvernement, en quelques jours, vient de céder à
ces trois demandes auxquelles il était resté sourd jusque-là.
Il
faut y voir une réponse au rapport de forces qui a été créé ces
derniers mois dans les Universités et parmi les personnels impliqués
dans la formation des enseignants.
Mais en ouvrant les inscriptions en M1
dans les UFR et en reconnaissant l'année d'IUFM comme M1, le
gouvernement tente de lancer le processus de mastérisation de la
formation. Or, il le fait sans en préciser le contenu.
Quid des stages en M1 et M2 (nombre, nature, durée, encadrement) ? Quid des concours (nature et date des épreuves) ?
Quid
de l'année dite de stage après le concours (valeur de l'allégement de
service, dispositif d'accompagnement, nature des formations et
encadrement, forme de la certification) ?
Quid du devenir des IUFM, des personnels et des sites ?
Quid
de l'utilisation de leurs compétences pour la formation professionnelle
et la recherche et de la structuration nécessaire des coopérations
interuniversitaires… ?
Quid de l'importance de la revalorisation des salaires des enseignants ? Etc.
Les IUFM seraient particulièrement fragilisés : les étudiants visant PLC s'inscriraient en M1 dans leur UFR, mais ils y resteraient naturellement en M2. De la sorte, on aboutirait à réserver les IUFM aux formations PE, PLP et CPE et l'on institutionnaliserait la coupure entre premier et second degré. Les responsables des fédérations syndicales sont-ils bien conscients de ce risque pour l'unité des enseignants.
Nous ne pouvons accepter le marché qui nous est proposé : vous avez vos PE1 ou PLC1 en septembre 2009, taisez-vous maintenant et laissez- moi concevoir leur formation. Ce serait signer un blanc-seing…
De plus, pour les étudiants, ces annonces soulèvent beaucoup de questions :
sur quels critères serait attribuée la reconnaissance de l'année de M1 ?
Les
étudiants inscrits en IUFM en septembre 2009 auraient-ils la
possibilité de poursuivre en M2 en IUFM ? Dans quel master ? Et avec
quelle articulation entre M1 et M2 ?
Que se passerait-il pour ceux qui réussiraient le concours et n'auraient pas ou pas encore leur M2 ?
Et
les lauréats qui se seraient inscrits comme candidats "libres" (cette
catégorie est fortement représentée dans les concours actuels),
seraient-ils mis directement sur le terrain pour leur année de "stage"
? Etc.
Enfin, si les universitaires des UFR et des IUFM participaient à ce
processus, ils se jetteraient dans une concurrence cannibale qu'ils ont
pourtant rejetée jusqu'ici avec force et dignité en refusant de
se faire traders à la Bourse des masters !
Après tant de mois d'actions, si nous nous prenions à embellir les concessions annoncées, nous pourrions demain nous retrouver dans cette situation paradoxale de devoir dire : le gouvernement a reculé mais il nous a vaincus !
Pour un enjeu de cette importance, la FDE, ne soyons pas avares de précautions.
Depuis
le 31 janvier et le 7 mars, notre demande est claire : encore un
effort, M. Darcos, il faut retarder d'un an la mise en œuvre de la
réforme de la formation et ouvrir sans plus attendre la réflexion sur
le recrutement et les concours, à travers la préparation soigneuse
d'Assises Nationales commençant de façon décentralisée dans les UFR et
les IUFM, puis dans des assemblées académiques. C'est ce que propose la
CDIUFM, affirmant qu'il n'y a pas de raison de se précipiter. Soutenons
cette proposition.