11 mars 2009
Réflexions sur le projet de circulaire
Je livre à la coordination de
premières réflexions sur ce texte important.
1. AUCUN CADRAGE VÉRITABLE. Les formulations n'ont rien de
contraignant pour les concepteurs des formations : "une offre de
stages sera proposée", "les étudiants pourront découvrir"… On
pourrait donc très bien voir s'ouvrir des masters enseignement sans
stage en responsabilité. Cette circulaire n'est pas un texte de
cadrage national pour les stages, mais un protocole de rédaction de
conventions entre les universités et l'éducation nationale. Sont
confirmés le risque d'inégalité territoriale et d'éclatement des
repères nationaux structurant l'identité professionnelle. Il y aura
des profs modèle bourguignon, modèle picard,… et au sein d'une même
région, des profs modèle Paris 10, modèle Paris 12, etc. qui se
distingueront notamment par le poids très différent des stages dans
leur master. Au bout du compte, certains PE auront eu un stage filé,
d'autres un stage massé, d'autres rien du tout ! Il serait étonnant
que les syndicats les plus représentatifs participent à de telles
négociations, d'autant que la plupart demandent le report de la
réforme (cf. encore aujourd'hui la position très claire de l'UNSA).
2. UN PLAN INGÉRABLE. Si la réforme est appliquée telle quelle, les
étudiants préféreront concentrer leurs efforts sur l'essentiel, la
réussite au concours en M2. Les étudiants salariés qui ne pourront
pas abandonner leur travail pendant la durée des stages en seront-ils
dispensés ? Dès lors, il est prévisible que certaines offres de
stages seront délaissées… Mais avec aussi peu de visibilité, comment
les IA ou les IPR pourront-ils préparer les plans de FC (assis sur
ces stages) ou assurer de façon fiable les décharges des directeurs
du premier degré ?
3. DES ENGAGEMENTS INTENABLES. Dans les académies où il y a le plus
grand nombre d'étudiants qui préparent les concours, comment garantir
que tous pourront avoir un stage en pratique accompagnée et un stage
en responsabilité, alors qu'il faudrait pour cela multiplier le
nombre de journées de stage par 5 ou 6 ! Faudra-t-il envoyer les
étudiants des masters PE de Toulouse, tout frais payés, à
Valenciennes ou à Longwy ? La solution adoptée, semble-t-il, est de
fonctionner à offre constante : en M2, il y aura 50 000 stages en
responsabilité, alors que le nombre de candidats aux concours est de
140 000 (chiffres de 2008). Au bas mot, il manque donc 90 000 stages !
4. UN CERCLE VICIEUX : "Combien voulez-vous de stages ? Nous ne
savons pas, car nous ignorons combien nous aurons d'étudiants et nous
ne savons même pas si nos maquettes seront validées." Le MEN demande
aux recteurs de prendre contact avec les universités pour lancer la
campagne de préparation des stages : "Ils devront, « avant le 20 mars
», prendre contact avec « les présidents d'université pour envisager
avec eux les modalités d'application de ces nouvelles dispositions
»". Mais les universités répondront qu'elles ne connaissent pas
précisément le nombre d'étudiants qui s'inscriront dans leurs
masters, car ceux-ci ne sont pas encore ouverts à l'inscription (soit
ils ne sont pas remontés auprès de l'AERES, soit, s'ils sont
remontés, ils ne sont pas prêts d'être évalués).
5. UNE CONCEPTION HYBRIDE. Un stage n'est pleinement utile que s'il
donne lieu à des visites de formation, par des formateurs. Rien n'est
prévu dans ce domaine (le texte n'utilise pas le mot "formateur"). Un
stage de formation n'est pleinement formateur que s'il s'inscrit dans
une dynamique : avant le stage on prépare la classe, après on
exploite les observations et on traite les questions, pour pouvoir
rebondir sur un autre terrain avec des compétences fortifiées. Mais
il n'y aura qu'un seul stage en responsabilité et rien n'est dit sur
sa préparation, rien non plus su son exploitation…
6. On retrouve la gratification de 3000 euros pour les 108 heures… On
se demande toujours d'où sort cette somme, car c'est plus de deux
fois le salaire d'un PE ou PLC-stagiaire. Peut-être le MEN veut-il
ainsi se caler sur le salaire mensuel de 4500 euros du prof annoncé
par Darcos en novembre ?
On a rarement vu une si grande improvisation. La "farce" (dixit la
CPU en début d'année) continue. Il serait bon que les syndicats
fassent des déclarations claires pour refuser ce marché de dupes.
Bien cordialement,
André OUZOULIAS
IUFM Versailles-Université de Cergy-Pontoise
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